L’histoire du cheval barbe est intimement liée à celle de la Tunisie. Pendant plus de 3.000 ans, cet équidé de race pure dont les qualités n’ont cessé d’être vantées au fil des époques —endurance, docilité, douceur de caractère— a été le fidèle compagnon de l’homme. Excellent cheval de selle, il fit très probablement partie de la très belle cavalerie du grand chef guerrier Massinissa.
Le cheval barbe est l’une des plus belles conquêtes de l’homme et a toujours bénéficié, dans l’histoire du monde arabe, de l’amour des humains, de la sollicitude des dieux et du génie des poètes.
Poèmes et dictons, ballades et cantilènes chantent sa gloire sur les routes des caravanes et autour des feux des veillées.
Moins prestigieux que son cousin le pur-sang, plus modeste et plus discret, le cheval barbe est aussi le plus tunisien des chevaux.
Dur à la peine et résistant à la tâche, il appartient de toutes fibres à ce pays où la terre est souvent aride, et le fruit du labeur difficile.
Cheval de trait, cheval de labour, cheval de selle aussi, ce cheval touche-à-tout répond à toutes les sollicitations.
Devant tant de qualités plébéiennes, on en oublie sa gloire. Et l’on se souvient rarement qu’il est un superbe améliorateur de race, et l’un des pères géniteurs du très aristocratique pur sang anglais.
Le cheval barbe retrouve, cependant, son panache quand vient le temps des fantasias.
Pour ce rituel équestre que l’on appelle aussi «jeu du baroud», apparu en Tunisie et au Maghreb au début du 19e siècle, on fait plus volontiers appel à lui qu’au pur sang arabe.
Sa docilité, sa stabilité, sa placidité en font l’instrument idéal de ce jeu où le cavalier, lancé au grand galop, effectue toutes sortes d’acrobaties tout en tirant du baroud par-dessus la tête de son cheval.
Ce jeu, qui fait partie de la culture ancestrale de nos campagnes, et qui obéit à des règles inamovibles était autrefois un exercice militaire.
Le cheval barbe accompagne aujourd’hui les cortèges d’honneur, les fêtes et les grands rassemblements religieux qui se tiennent à l’occasion de divers pèlerinages.
Si pour ce rituel, le dressage est rude et le mors sévère, le cavalier de la fantasia met un point d’honneur à entretenir son cheval avec un soin jaloux et à présenter une monture superbe en son costume d’apparat.
Mais ces cavaliers qui perpétuent le culte du cheval pour un exercice équestre ancestral se font malheureusement rares.
Et le barbe, qui trouvait là ses lettres de noblesse, est de plus en plus oublié.
Bien sûr, il continue d’être recherché pour les stations de monte dépendant des haras nationaux dans les régions où la tradition est préservée : Kasserine, Thala, Le Kef ou Ghardimaou.
Bien sûr, le tourisme équestre qui se développe timidement le privilégie à tout autre cheval.
Mais il est incontestable que la race, qui commence à prospérer dans d’autres pays, menace de disparaître en Tunisie.
Les haras d’El Batan s’efforcent de la maintenir. Quelques initiatives privées s’attachent à préserver sa pureté. Mais aides et encouragements aux éleveurs se font cruellement absents.
En viendra-t-on un jour à importer le barbe en son lieu de naissance ?